Aujourd’hui, si vous n’arrivez pas à fédérer une communauté autour de votre entreprise ou de votre projet, vous courez plus que certainement au devant de difficultés, voire à l’échec.

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Regardez, le Stade de Reims, petite équipe au regard de son budget, arrive à produire des exploits qui devraient largement fédérer, et pourtant ses tribunes sont désespérément vides… 11000 spectateurs seulement face à Dijon après une éclatante victoire sur le terrain du PSG (0-2).

Le club n’arrive pas à fédérer une communauté de clients fidèles autour de lui.

Pourquoi ?

Dans l’émission radio Reims Football Club, j’ai proposé des pistes de réflexion, des pistes exploitables en entreprise.

Parmi les causes fréquemment citées pour expliquer la frilosité du public rémois, nous trouvons :

  • Une absence de 33 ans en L1 et donc du paysage footballistique et médiatique.
  • Un réservoir régional de population insuffisant même si Reims est la 12ème ville de France avec près de 200000 habitants.
  • Un public exigeant. Même du temps de la grande » équipe (double finaliste de la Coupe des clubs champion en 1956 et 59), l’équipe n’attirait pas les foules à Reims. A plusieurs reprises le président de l’époque (Henri Germain) avait délocalisé des rencontres à Paris pour avoir plus de spectateurs.
  • Des tarifs trop élevés (21 à 30 euros la place en tribune latérale face au 18ème du championnat, soit deux à trois places de cinéma, une place de concert où les émotions sont davantage garanties).
  • Le jeu défensif pratiqué par l’équipe actuelle, loin du « football champagne » de la glorieuse époque du club.

Des raisons auxquelles nous pourrions objecter les efforts du club :

  • Offres spécifiques avec plusieurs packs pour les rencontres phares de la saison qui permettent pour ces matchs d’atteindre des affluences record.
  • Campagnes décalées sur les réseaux sociaux reprises dans les médias et récompensées pour leur originalité (ex : Prix or du Grand Prix Stratégies du Sport dans la catégorie « films viraux »…).
  • Animations au stade lors des matchs.

Dès lors, le club doit-il se résigner à élargir sa capacité d’accueil aux VIP et entreprises pour lesquelles la demande semble réelle ?

Lors de l’émission sur France Bleu, je n’ai pas cherché à évaluer les actions menées par le club, considérant que ses services communication et marketing sont les mieux placés pour en connaître la pertinence et l’efficacité : attentes du public, satisfaction de ces attentes, positionnement de la politique tarifaire…

Je me suis risqué à quelques pistes qui concernent des évolutions moyen et long terme, ainsi que des ruptures radicales par rapport aux pratiques actuelles.

1- Se projeter : définir ensemble la mission et les valeurs du club

C’est quoi le Stade de Reims ?

Quelle est la mission du club ?

Quelle est son ambition ?

  • Un club de foot uniquement ? Si oui, a priori, la structure peut se contenter de vivre des droits télé et durer sans remplir le stade, à condition de rester en L1.
  • Une entreprise de spectacle ? Si oui, les publics doivent venir au stade pour prendre du plaisir et le match n’est qu’un élément parmi d’autres.
  • Une franchise qui va se décliner dans le quotidien de la population ? Et dans ce cas quel est la marque fédératrice ? Quel est le slogan qui laisse une empreinte ?

Quelles sont les valeurs du club ? Et surtout sont-elles partagées avec le public ?

Les valeurs actuelles sont : « Tradition, performance et innovation »

parlent-elles au grand public ? Sont-elles fédératrices ?

Sont-ce les mêmes pour les supporters et le personnel du club ? Les joueurs ?

Pour être pérennes et traduire un encrage, les valeurs doivent rassembler et être définies collectivement.

Alors quid de valeurs allant des joueurs aux dirigeants et personnes du club en passant par les supporters ?

Exemples de valeurs : respect et engagement.

La valeur « Engagement » pourrait donner :

  • « Je mouille le maillot de la 1ère à la dernière seconde » pour les joueurs
  • « Je soutiens mon équipe de la 1ère à la dernière seconde » pour les supporters
  • « Je donne le maximum au quotidien » pour les personnes du club

Respect = respecter l’autre et se faire respecter.

Cela me semble clair pour les joueurs sur le terrain.

Pour les spectateurs : pas d’insulte mais de nouveaux chants à créer pour chambrer et mettre une pression amicale.

Dans un contexte où les clubs de foot ont été visés par des arrêts temporaires de rencontre en raison des insultes venant des tribunes, il y a là une opportunité.

Exemple de mission et valeurs chez les Spurs* (12ème budget de NBA avant leurs titres :

Extrait :

« Chez les Spurs, l’actionnaire Peter Holt, qui soutient l’équipe depuis 1996, joue un rôle clé pour la construction de l’équipe. Le rôle de Holt est de

s’assurer que ce qui se fait est bien en accord avec la mission et les valeurs du club. Les supporteurs sont impliqués dans le projet. Une fois le cadre posé, Holt laisse un grand espace de liberté à ceux qui travaillent pour lui.

Au-dessus des performances, il y a une éthique et des valeurs à respecter. Personne n’est au-dessus de l’équipe. La balle doit aller à celui qui est mieux placé pour marquer, en faisant toujours la passe supplémentaire, celle qui mettra le partenaire en meilleure position. Au final les joueurs se sacrifient pour l’équipe. Celui qui marque sait ce qu’il doit aux autres. Le jeu en mouvement et généreux des Spurs, c’est la mise en pratique des valeurs du club. »

A partir de la mission et des valeurs définies collectivement pourra se décliner une communication cohérente, ne fonctionnant pas par opportunités et coups médiatiques.

Un message et une identité rassembleuse pourront se dégager.

2- Favoriser l’identification : parler à tous ses publics

Bien évidemment il est plus facile de suivre et supporter une équipe de stars, un club avec des personnalités médiatiques. Ce que n’a pas le Stade de Reims aujourd’hui.

Mais au-delà de cet aspect, je suis surpris par les réflexions qui, sans m’attarder ici sur les débats de personnes, ont pu remonter jusqu’à récemment soit au pire de l’hostilité vis-à-vis du club et ses dirigeants, soit au moins une absence d’envie d’aller au stade alors que ces personnes suivent le Stade de Reims.

Souvent, que ce soit en région parisienne auprès d’anciens rémois ou en Champagne, j’entends les personnes suivre les résultats du club et souligner « l’incapacité de ce dernier à rassembler ».

A ma connaissance, le public au stade Auguste Delaune (nom du stade à Reims NDLR) vient majoritairement de la région, non pas de la ville de Reims.

Les personnes de la région champenoise et autres s’identifient-elles suffisamment au club ? Se sentent-elles considérées ?

Le #NousSommesReims : parle-t-il à tout le monde ? N’est-ce pas stigmatisant « je suis ou je ne suis pas. » L’histoire récente a montré combien ce type de slogan divise et oppose, plus qu’il ne rassemble.

En 2014, de mon côté, j’ai fait travaillé un cabinet d’avocat sur la possibilité d’une marque « A la rémoise » en m’inspirant du fameux « Corner à la rémoise » (une ruse inventée par Raymond Kopa, alors joueur au stade de Reims, pour tirer en deux temps un corner et surprendre l’adversaire). L’expression « Corner à la rémoise » est devenue populaire dans le milieu du foot et est parfois reprise dans les commentaires radio et télé.

« A la rémoise » peut-il devenir ce slogan fédérateur qui se retrouverait dans différents contextes et secteurs ?

Par exemple, il y a peu, le club a lancé un t-shirt en édition limitée pour célébrer le but spectaculaire de son joueur Boulaye Dia face au PSG.

Un t-shirt, un coup, une opération. Pourquoi pas.

Mais quid d’avoir de façon pérenne des t-shirts de type « Un but à la rémoise », « Amoureux du jeu à la rémoise » ?

Néanmoins, aujourd’hui je pense qu’il faut une marque plus simple et globale, une marque qui parle aux publics extérieurs : comment prononcez-vous « A la rémoise » en anglais d’ailleurs ? 😊

3- Proscrire le copier-coller : chercher de nouveaux publics 

Ce qui était vrai hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. Le contexte et les publics peuvent avoir changé. Des clubs comme Strasbourg ou Nantes tendraient à le prouver.

Concernant de nouveaux publics pour le Stade de Reims :

  • Quid du public féminin qui depuis la coupe du monde 1998 s’intéresse davantage au football ?
  • Quid des étudiants et de leur rôle dans l’animation du stade ?
  • Quid des publics pour lesquels le sport représente une bouffée d’air ? Des publics de la 2ème chance tels que je les qualifie : malades, personnes en difficulté ou en marge de la société… ?

Si ces publics ne représentent pas des dizaines de milliers de personnes, il convient déjà de savoir si le club s’y intéresse. Si le club a envie de remplir le stade avec des offres accessibles. S’il cherche à les toucher avec des actions dédiées : ciblage marketing internet, offres envers les associations… ?

4- S’ouvrir : co-construire et décloisonner le club

La co-construction fait elle partie de la culture du club ?

Les actions dirigées vers les supporters sont-elles uniquement « top-down » (partant du club) ou construites avec les publics visés ?

Au-delà de la co-construction qui favorise l’acceptation et l’appropriation, pourquoi ne pas voir encore plus loin en rassemblant les supporters des différents sports de la ville et de la région ?

Voire quid de croiser les disciplines au-delà du sport ?

Exemple d’action alors possible : invention de chants communs entre supporters des différents clubs, avec les compétences d’artistes locaux.

Des espaces de co-working ou lieu des associations ne sont-ils pas propices à ce type d’échanges et de création ?

5- Définir un objectif commun

Enfin, au-delà de ces pistes de réflexion, il conviendra de définir un objectif commun précis, fixé dans le temps et mesurable.

Quel est l’objectif en terme de supporters à Delaune ?

Dans un même article du journal local, je lisais deux objectifs assignés au public : « faire aussi bien que le classement de l’équipe » (un objectif « illisible ») et 16000 personnes.

Un objectif à fixer avec les mouvements de supporters pour commencer à fédérer et créer une motivation collective.

6- Par où commencer ?

Avoir une démarche moins top-down : associer les groupements actuels de supporters.

Élargir la base de réflexion : embarquer les communautés et influenceurs passionnés du club.

Pour :

  • Travailler sur les valeurs fédératrices
  • Définir les objectifs communs fixés aux supporters + les actions associées pour les atteindre + les engagements pris par chaque acteur (club, mouvements de supporters et autres participants au projet).

Bien évidemment, je n’ai pas pu aborder tous ces points durant l’émission de France Bleu et ce sont là des pistes à creuser.

Votre avis ? Prêt à rejoindre dans ces conditions les publics du Stade de Reims ? 😉

Podcast de l’émission

*Les valeurs des Spurs

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